par † J-C Laffrat Ven 2 Jan 2015 - 8:23
Bonjour,
L'image de marque évoquée par Dailioli avait aussi son origine dans les missions de sauvetage qu' effectuaient les Pingouins d'Agadir. Ceux qui sont passés par là après 1952 se souviennent sans doute des Lancaster de la 55S, gros quadrimoteurs qui s'étaient rendu célèbres lors des bombardements de nuit sur l'Allemagne pendant la 2ème GM.
A la 55S ils servaient à la qualification des pilotes sur multimoteurs, à côté de ces appareils d'école il existait aussi deux autres Lancaster S.A.R. (Search and Rescue) spécialement équipés pour le sauvetage aéromaritime et terrestre. Ces appareils n'étaient pas propriété de l'Aéronavale mais du S.G.A.C.C. ils portaient une bande jaune horizontale sur le fuselage, sur l'extrémité des ailes et sur le gouvernail, ainsi que les trois lettres SAR à côté de la cocarde, pour les différencier. Leur grande soute à bombes avait été amménagée pour l'emport de "chaines S.A.R." constituées d'équipement de secours et de survie en conteneurs. Ces Lanc étaient armés par des équipages mixtes appartenant à la 55S et à la 56S, équipages maintenus en alerte permanente à 30 minutes du décollage.
Cette anecdote de Robert Brand, alors Instructeur navigateur à la 56S, relate parfaitement l'une ce ces missions.
Sauvetage d'un thonier par un Lancaster SAR d'Agadir
Dans la nuit du 27 au 28 mars 1959, alors que j’étais navigateur d’alerte SAR, l’Amirauté de Dakar fait appel au Lancaster d’Agadir pour rechercher un thonier, le Pourquoi Pas II en pêche au large de Dakar et dont on est sans nouvelles. Cette zone n’est pas dans notre secteur habituel, mais les Sunderland de la 27F ne sont plus opérationnels et les P5M-2 Marlin destinés à les remplacer sont en cours de convoyage de Norfolk vers Dakar via le Brésil avec les équipages qualifiés de la 27F.
A Agadir notre équipage est complet, le décollage pour Dakar Yoff s’effectuera de nuit sur le Lancaster « O » l’avion était déjà paré avec les pleins complets et les chaînes SAR en place dans l’immense soute.
Après sept heures de vol, atterrissage à Yoff ; les mécaniciens complètent les pleins et effectuent un contrôle rapide de notre « O » puis briefing avec les autorités compétentes et une dernière précision : un cargo de la compagnie Delmas Vieljeux, le La Pallice en transit au large, vient de capter plusieurs messages de détresse du thonier permettant de le localiser avec une relative précision dans sud-ouest du Cap Vert à environ 250 nautiques. Décollage de Yoff et mise de cap sur le secteur estimé, la météo est bonne, en surface une houle assez longue mais faible du sud-ouest ne donnant pas trop d’écho de « retour de mer » nous effectuons plusieurs déroutements sur des échos de navires sans résultats. Après une heure trente de vol, notre radariste détecte à l’aide du radar APS-15 un écho faible dans le 230 à 4à nautiques qui semble immobile ; légère altération de cap vers cet objectif qui se rapproche, l’observateur avant surveille aux jumelles pour identifier ce bateau qui ne provoque aucun sillage, et c’est notre Pourquoi pas II …Descente et procédure classique pour le largage des chaines SAR dont les divers containers sont dotés de vivres, médicaments, etc. Les pilotes larguent l’ensemble à quelques mètres du bord, les huit hommes d’équipage sont sur le pont et mettent une plate à l’eau pour récupérer l’ensemble. Ensuite contact avec un bâtiment de la Royale, le Tenace, pour lui préciser les coordonnées du thonier qu’il devra remorquer jusqu’à Dakar. Un dernier passage sur le Pourquoi Pas II et mise de cap sur Yoff où nous atterrissons de nuit après six heures de vol.
Nous n’avons pas eu le plaisir de rencontrer les équipages des deux bateaux au moment où ils accostaient à 13h30, le 30 mars, nous étions en vol entre Dakar et Agadir où nous atterrissions après six heures trente de vol de vol. Le thonier avait été victime d’une rupture de vilebrequin. La une du quotidien « Paris Dakar » du 31 mars 1959 relatait le sauvetage du thonier, et un mousse y déclarait « Avec un quart d’eau et une poignée de riz, nous avions tout juste de quoi ne pas mourir de faim »
Lors du séisme d’Agadir le 29 févier 1960, les Lancaster étaient encore présents aux côtés des Languedoc, SO94 et 95, des SNB-5, des JU 52 et JRB-4 pour effectuer les premières évacuations sanitaires vers Casablanca, Rabat, et la France.
Robert Brand