A Brest un dimanche après midi, nous sommes amarrés à un ponton à notre poste habituel.
Tout est calme, pas beaucoup de monde à bord, juste ceux qui sont de service.
Les uns jouent aux cartes, d'autres regardent la télé quand tout a coup l'un d'entre nous revient d'un poste et nous dit :
- " Les gars, c'est bizarre, ma porte de caisson s'est ouverte toute seule et j'ai l'impression que l'on prend de la gite".
On réagit tous, il a raison ça penche...!
Un mécano descend au local moteur et revient tout affolé
- "Il y a de l'eau en bas ; on est en train de couler...!).
Alerte général, intervention des équipes de sécurité, mise en place des pompes.
Un dimanche mouvementé...! l'explication ; le vendredi la DP avait amarré à couple, ce que je crois être, une porte de bassin à flot et par le fait de la houle, des éléments saillants avaient percé notre coque en dessous de la ligne de flottaison.
Petit passage au sec pour mettre une rustine...! plus de peur que de mal.
Deuxième fois ; (là, cela aurai pu être plus grave).
Encore une mésaventure en poste de combat sur notre pauvre EC l'Etourdi :
Essai de grenadage au large de Cherbourg : Bilan notre beau navire presque coulé...!
La grenade envoyée par la rampe arrière a explosé trop prés et pas assez profond.
Ça a fait tout drôle à bord, l’arrière a été soulevé, le panneau arrière déformé et il y avait une voie d'eau au local barre.
Retour en urgence à Cherbourg et entrée immédiate en cale sèche pour travaux.
Tout l’arrière a été refait.
Les ouvriers des CMN qui sont intervenus pour les travaux nous ont dit que l'on avait frisé la catastrophe et que c'était un miracle que le tableau arrière ai tenu lors de notre retour car tout avait été déformé.
Se couler soit même, c'est un comble...! :
Et on continue :
Heureusement que nos fiers navires ont dû être modernisés car j'ai le souvenir d'exercices poste de combat sur l'escorteur côtier l’Étourdi (le bien nommé...!) qui se transformaient, pour nous en grosse partie de rigolade mais pas pour nos gradés qui en auraient bien mangé leur casquette.
Il y avait un gros décalage entre la vitesse de passage à basse altitude des avions qui étaient censés nous attaquer.
(Je crois que c'était des "Étendards") et la manœuvre de nos canons Beaufort de 40 mm ou il fallait tourner les manivelles a toute vitesse pour les orienter.
Le temps que cette opération se fasse, l'avion n'était déjà plus qu'un point à l'horizon.
Et encore :
J'ai usé le carrelage du dépôt de Brest avec mon balai et la serpillière qui va avec pendant une vingtaine de jours.
Les circonstances qui m'ont amené dans ce lieu ne sont pas banales et elles m'ont valu plusieurs changement de tenue suivant l'activité...!
Voici les faits :
Ce devait être en 64, j'étais commis à bord de l'escorteur côtier l'Etourdi.
Donc, appareillage de Brest pour campagne d’assistance de pêche à Saint-Jean-de-Luz.
J'ai embarqué avec une bonne angine.
Escale à Lorient pour le courrier, amarrage sur coffre et non à quai.
Je pars en zodiac avec le vaguemestre donc en tenue de mer bonnet en laine, blouson fourré, bottes pour, normalement, juste une consultation.
Bilan : le médecin décide une hospitalisation malgré mon refus.
C'était un vendredi, le vaguemestre repart sans moi et l'Etourdi aussi...!.
Le samedi, le dimanche passe et la fièvre aussi.
Le lundi, visite, je n'étais plus malade et l'autre docteur de service me demande ce que je fais là...!
J'ai ordre de regagner mon unité.
Dans l'impossibilité de m'exécuter, on m'a fourni une tenue de sortie (j'ai été obligé de laisser ma tenue de mer) et un billet de train pour regagner le dépôt des équipages de Brest.
Au dépôt après deux jours, ordre m'est donné d'intégrer la compagnie "balai, seau, serpillière" avec à nouveau, fourniture d'une tenue de travail.
Cela a duré une vingtaine de jours...!
Enfin l'Etourdi est revenu à Brest et j'ai pu regagner le bord.
Pendant mon absence, le cuisinier avait fait de bons repas, de très très bons repas mais il n'avait rien marqué et j'ai été obligé de refaire tout l'inventaire et de recomposer les menus en fonction de ce qui me manquait en cambuse, ça a été un sacré boulot...!
Voila ma campagne d'assistance de pêche à Saint-Jean-de-Luz.
Encore une :
Autre anecdote qui me revient en mémoire concernant encore ce commandant de l’Étourdi dont nous gardons un excellent souvenir.
Pour un quatre galons ce ne devait pas être courant.
Son moyen de transport c'était un "Vélosolex" et quand il arrivait à bord il le laissait sur le quai à proximité de la coupée.
Notre bon Étourdi était de service et nous recevons un ordre d'appareillage pour participer à une recherche concernant un plaisancier.
Notre pacha ayant sans doute peur qu'on lui vole son "Solex" (même à l'intérieur de l'arsenal de Cherbourg...!) a demandé qu'on embarque son engin.
Je ne sais plus qui s'est chargé de l'embarquement et de l'arrimage.
Toujours est il que les recherches ont duré plus que prévu, que nous avons passé deux jours en mer, que comme d'habitude on s'est fait "secouer" et au petit matin du premier jour l'un d'entre nous en allant a l’arrière constate que le "solex" n'est plus là, il est passé par dessus bord, mais miracle, l'arrimage ne devait pas être trop mal fait et solide car il est en remorque au delà du remous des hélices...!
Cela a du arriver pendant la nuit.
Discrètement le "Solex" du pacha a été pris en charge par les mécanos qui l'on démonté, nettoyé, fait tout ce qui il y avait à faire et après essai remis à sa place, cette fois ci bien attaché et bâché...!
Au retour à Cherbourg après débarquement de l'engin, quand le pacha en a repris possession pour rentrer chez lui, il a du se demander pourquoi il y avait tant de monde pour assister à son départ...!
A ma connaissance il n'a jamais su que son "Solex" avait failli périr noyé...!
Chapeau aux mécanos.
La suite une autre fois.
Il y en a d'autres et pourtant je ne suis resté qu'une année sur l'Etourdi...!